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Titre du blog : Du rire aux larmes
Auteur : durireauxlarmes
Date de création : 13-06-2008
 
posté le 28-05-2010 à 01:01:21

LE DERNIER RÔLE 15

 

Chapitre 4

 

          Au troisième étage de la maison du Cercle, habitait un curieux ménage. Etait-ce le Cercle qui avait attiré là ce couple, ou était-ce le couple qui avait fait choisir par le bureau du Cercle bourgeois de Sainte Marguerite, les salons du deuxième étage de la même maison ? Toujours est-il que couple et Cercle voisinaient pour le plus grand bien des deux.  


    La femme brune, d’une laideur singulière qui en faisait un type, coquette à l’excès, d’une élégance voyante, ne passait point à juste titre pour une vertu ! L’œil allumeur, la démarche balancée, la bouche dédaigneuse, elle avait le type espagnol ou gitan. Ses hauts talons la promenaient indifféremment, les jours de fête ou de kermesse, de la rue de la République, bordée de cafés cossus et accueillants, à l’avenue de la Paix, le quartier chic de la petite ville.   


   Sortie, il y avait environ vingt-sept ans, d’une pauvre et nombreuse famille de cordonniers ambulants, fixés par accident dans la région, elle avait su aguicher à vingt-deux ans, un commis de perception, admirateur passionné des vamps du cinéma muet.  

    La brune fille, avec ses larges prunelles de vache amoureuse, le roulis de ses hanches, avait incarné pour lui, la femme fatale. Ambitieux et médiocre, il avait vite compris qu’il ne réaliserait son rêve de considération et de tape à l’œil qu’avec une partenaire semblable. Quant à elle, le complet veston du bonhomme, le col de celluloïd blanc, les manchettes impeccables lui avaient paru préférables au petit tablier de cuir de son père « Le Bouif ».    


  Elle avait feint être sensible au charme de cet être falot, courtaud, déjà bedonnant, puant de la bouche, embarrassé de grandes phrases et tout pénétré d’une importance qu’il n’avait pas, aspirant constamment à une bicyclette après le microscope, au fusil après la bicyclette, au violon après le fusil, avide de tout, sauf de s’instruire ou de grandir, passant des jours entiers, les pieds dans la boue, ruminant, s’enfiévrant de la possession d’un article d’un quelconque magasin.     

  C’est ainsi qu’était né ce ménage. Au début, l’homme un peu amoureux de sa femme, et pour arriver plus vite au bien-être matériel tant aspiré, avait envisagé des moyens assez honnêtes et susceptibles d’être accomplis par la jeune femme. Ils avaient donc gardé, tant bien que mal, plutôt mal que bien, des nourrissons. Les bébés, gavés à l’excès de mauvaise bouillie qui leur rendait la digestion laborieuse et le sommeil lourd, dormaient très longtemps seuls, abandonnés par leur nourrice qui pouvait sortir tout à son aise. Après avoir découvert plusieurs fois des enfants affolés, pieds nus sur le pallier, des voisins s’apitoyèrent. Une affaire de correctionnelle enleva du crédit à ce petit commerce. On décréta que ça faisait pauvre, et, le mari, moins jaloux, ainsi que la femme habile se tournèrent vers une autre solution avec beaucoup de sagesse…

 

(à suivre)

 

 marieclaude.peyraud@gmail.com

 

 

Commentaires

corail le 17-06-2010 à 08:58:29


Ils sont sordides ces pauvres gens. Ils ont le mérite d'essayer.

J'évite tout ce qui touche au sordide, en ce moment (mais n'ai pu m'empêcher de lire ce fragment de chapitre)

Je n'ai plus de paix. Ni l'alcool ni les médicaments, ni le Ciel ne m'épargnent d'avoir à vivre.

Je devrais me contenter de travaux simples, mais tout retourne à la rue : promenade du chien, aller à la poste pour acheter un timbre, aller quémander à l'aumônerie pour que Zak puisse continuer ses études.

Hier j'ai rencontré le Père Richard. Je me rends compte de la folie de mon entreprise : aider un jeune Marocain a faire sa troisième année d'études, pour qu'il ait son diplôme d'Ingénieur des Mines.

Moi-même grevée de dettes (des dettes pas graves, genre EDF, assurance auto, taxe foncière ...) je ne peux pas emprunter de l'argent à une banque.

Je coule avec, attachée au cou, la pierre lourde de la culpabilité.

J'ai aimé ton poème, surtout le passage où tu dépeins les vieilles femmes qui laissent couler les larmes sur le chemin de leurs rides, et croisent les mains pour prier.
ricardo le 04-06-2010 à 12:29:07
Bonjour


Il est tôt ici à Montréal, j’en profite avant que la chaleur nous écrase pour vous faire un p’tit coucou et vous souhaiter un très bon week-end. Je suis moins présent sur mes blog a cause de madame la température qui se fait jolie de plus en plus de jour en jour et je passe mes temps libre a l’admirer (sourire)...