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Titre du blog : Du rire aux larmes
Auteur : durireauxlarmes
Date de création : 13-06-2008
 
posté le 08-05-2010 à 23:56:14

LE DERNIER ROLE 14

 

Chapitre 3 (suite)

 

     Le jeune garçon était très embarrassé, et cela, heureusement, calmait sa joie. Brusquement il eut une idée lumineuse. Il se souvint comme Lydie claquait sa langue avec délices quand elle buvait chez son oncle un verre de Ricard… Après tout ne noie-t-on pas les grands chagrins dans l’alcool ? !

     -       Nous aurions pris l’apéro. » hasarda-t-il.    

      Pendant quelques secondes les yeux de l’adolescente brillèrent de convoitise. L’apéro, un Ricard sûrement ! Tout de même, elle aurait l’air de quoi maintenant ? Il n’aurait pas fallu qu’elle pleure autant ! Non, mieux valait renoncer cette fois…

     -       Mon bon Pierrot, je vous fais tout rater, mais il faut que je reste, que je les vois se sourire… Il faut que je la voie embellie de l’amour de l’autre. Elle eut l’impression qu’elle venait de réaliser une littérature, et qu’elle inaugurait un nouveau genre de romantisme. Pour le jeune homme elle devenait obscure :

     -       Mais quel autre ? » pleura-t-il.   

      Violente, elle répondit :

      -       Vous ne la voyez pas qui se pâme dans ses bras ? »

      -       Qui se pâme ? Dans quels bras ? »   

      Elle n’eut pas le loisir de répondre. Comme elle cherchait un refuge pour y mourir, ses yeux tombèrent sur le couple haï. Ils suivirent tous les deux, elle, avec des yeux de lionne, lui, avec des prunelles de chien fidèle ou d’enfant, les évolutions de Mimir et d’Alice. Il admirait… Elle ne souffrait plus autant parce qu’elle aurait voulu gifler cette intrigante… Faire un beau scandale, griffer Mimir ou mourir dans ses bras !  

   A dix-huit ans il y a rarement autre chose dans un chagrin d’amour, rarement que de la violence ou de l’abandon à l’objet aimé. Il ne s’y mêle aucune blessure d’amour propre, d’orgueil blessé, de malaise du à de précis désirs.

    La jeune fille les vit arriver si près que son souffle en fut coupé. Elle serra la main de Pierrot, éberlué de cette force. Elle voulut émettre une phrase que sa colère étouffa. Elle ne put que grogner, le visage pourpre levé vers les deux heureux :

    -       Pas belle, pourtant, cette salope ! »  

    Son mot ordurier la calma. Gênée, elle regarda Pierrot qui savourait cette grossièreté… et la présence d’Alice !   

    Il apprécia de haut en bas le corps de la jeune valseuse, avec un air ravi et un tantinet gâteux. Sa compagne le vit humer avec satisfaction le parfum intrigant du couple. Sa colère subite changea d’objet… Elle n’aspirait plus qu’à froisser ce benêt, ce trop jeune…

    -       Ne la regardez pas ainsi. Vous avez de nouveau les yeux d’un gastronome évaluant une tranche de galantine truffée. » 

    -       A moins que cela soit un délicieux bonbon ! » rectifia-t-il, et il reçut sur la joue, avec une extrême candeur, un magistral soufflet.  

    Tous les deux se levèrent comme si la gifle était le signal du départ. Un vieux monsieur se moqua : « Les enfants devraient être au lit à cette heure, ils deviennent méchants. » Ils crurent alors essuyer le plus offensant affront.   

     Pour se venger de tout, des enfants au lit comme de la gifle, Pierrot, pendant qu’il enveloppait Lydie dans sa sortie de bal, au vestiaire, lui susurra dans l’oreille, d’un ton baderne et protecteur :

     -       C’est le beau Mimir, mon petit chou, qui vous fait souffrir ? Oh la la, que ne le disiez vous, on vous aurait fourni des mouchoirs ! Mais n’est-il pas un peu rassis pour vous Lydie ? ! »

     -       Rassis, rassis ! » fit-elle, « Mimir rassis ! Lui, le plus beau, le plus séduisant ! » Et elle éclata en sanglots… 

                                                                                                            (à suivre)marieclaude.peyraud@gmail.com