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     -          Oui, pas comme toi, » reprit-il, « les autres m’aiment autrement et mieux. »

     Il était toujours un peu déçu de l’amour désinvolte qu’elle voulait bien lui accorder. Elle lui ressemblait trop. Pas d’amour, pas de quoi verser une larme, une demi-larme… Si ce n’était de rire… « Petite peste ! »pensa-t-il. « Et pourtant quel boute-en-train que cette Blandine… Quelle puissance de jouisseuse… Un vrai viveur ! »Il s’impatienta, coléreux malgré lui :

     -          Alors, tu t’embellis, tu te pares, tu t’habilles. Il est plus de neuf heures et demie ! »

     Elle le regarda bien dans les yeux, fit semblant de souffrir :

    -          Oh Mimir, grand méchant ! » Elle lui envoya, toujours minaudeuse, de petites tapes, « Méchant, méchant, tu lui as fait mal, là, là, à ta Blandine. »Elle montrait son cœur, ou plutôt un froissement de dentelles du peignoir, en zézayant comme une toute petite fille. Elle découvrit un peu de son sein :

    -          Embrasse ! »

    -          Non. »

    -          Embrasse ! »

    -          Non. »

    Il était vraiment énervé, obsédé de la façon dont elle jouait avec lui, beau garçon fait pour émouvoir, et chéri de tant de jolies femmes et même des épouses de quelques uns de ses amis.

    -          Embrasse ! » réitéra-t-elle, les yeux levés vers lui, suppliante.

    -          Non. » bougonna-t-il, quand tu ne feras plus l’idiote ou je te mords ! »  

    Il la détestait franchement.

    -          Essaie, chiche… » fit-elle.Il l’attira à lui, la regarda sauvagement dans les yeux pour l’épouvanter un peu, en caressant sa chair tiède et douce, puis, comme il l’entendit se moquer tout bas, il se pencha et la mordit, assez durement pour qu’elle eut un cri. Il sentit une chiquenaude sur sa nuque.

    -          Ho Mimir, mon petit, tu es stupide ! Stupide… ! » continua-t-elle, en riant, « Tiens, stupide et délicieux… » Les « s », de nouveau, sifflèrent, pour se moquer, de cette façon lente et roucoulée, tout en voyelles et en consonnes mouillées, exaspérantes…

    -       Mais crois-moi, suis mes conseils… Prends des leçons, oui, cher garçon suavement stupide, chez Monsieur… »   Elle allait citer un nom ou peut-être, s’attendait-elle à ce qu’il fit. Il l’arrêta, une main sur sa bouche.

    -       Ca va, ça va, tes prouesses ne m’intéressent pas…  Tu penses, garde les pour d’autres.. Et pour toi… Au fait quel âge as-tu ? » fit-il en plissant ses yeux comme pour évaluer ce qui lui restait encore de charme. Il se sentait devenir féroce !   

     Elle le regarda curieusement, puis éclata de rire.

     -       Oh ! mon chou ! est-ce que tu m’aimerais vraiment pour devenir aussi… » Elle cherchait : « Aussi cruel… Mon pauvre chéri ! »  

     Elle le menaçait, mais elle était vraiment en joie et ne pouvait plus parler qu’en riant :

     -       C’est une scène mon chou, et si je ne m’abuse… Tu vas m’aimer ! Oh, oh, oh, Mimir, tu vas aimer… Toi, mon joli cœur, mon coq de village… »

     -       Ris toujours ! » grinça-t-il, « ça t’évitera d’avouer ton âge ! »

     -       Mon âge ? Elle a vu seize fois revenir l’hirondelle… » Elle pirouettait, fredonnait, amusée de le sentir nerveux, à sa merci., comme un pantin au bout d’une ficelle.

     -       Le tien, mon amour. La même année nous vit naître… Deux splendeurs pour une même année ! Et nous comptons vingt huit printemps ! »

                                             (à suivre)